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A ceux qui nous rejoignent (et pourquoi pas aux autres?)

 

Nous sommes tous différents, et je ne suis certainement pas une référence. de transgenre H—>F J’essaie de traduire ici ce que tous ceux qui ayant entrepris et réussis leur réhabilitation dans le genre qui est fondamentalement le leur, pensent de ce difficile passage. En fait il n’y a que trois conseils qu’il faut toujours garder présents en mémoire:
Le premier c’est :patience,
Le deuxième c’est aussi : patience,
Et le troisième c’est : encore patience.

Patience d’abord, car le passage obligé devant le psychiatre sera long et nous paraîtra plus long encore. Mais le praticien peut-il, par un autre moyen qu’une longue analyse ,faire la différence entre notre discours affirmant cette certitude d’être le contraire de notre apparence, et celle d’un psychotique affirmant son idée fixe?
Marie-Ange Grenier, l’une des première à avoir osé médiatiser notre problème, était catégorique: le changement de genre ne résout pas les problèmes plus ou moins refoulés qui sont le lit de notre personnalité. Il les complique.
Alors il faut prendre le temps de les aplanir au maximum avant. Aimerait-on les trains électriques miniatures? Facile d’en parler entre homme, mais j’imagine mal une telle conversation entre deux recettes de gâteaux et un tricot. Nouvelle situation, nouveau problème à résoudre; celui-ci est plaisant, d’autre sont plus difficiles : nous, transgenre H—>F, ne pourrons jamais porter ni mettre au monde nos enfants ce qui est le rêve de toutes les petites files et le symbole d’un parfait accomplissement féminin; les transgenres F—>H n’auront jamais un éjaculât de qualités symbole de l’accomplissement viril de l’homme. Il nous faudra patiemment assumer nos problèmes les uns après les autres.

Patience encore avec le monde qui nous entoure, tout ces gens qui disent nous connaître et qui ne nous reconnaissent plus, ceux, inconnus ou non, qui se trouvent agressés dans leur certitude d’être d’un genre de nature impossible à modifier et qui, ne se fiant qu’aux apparences, s’aperçoivent que cela n’est peut-être pas vrai. Personnellement je ne veux pas qu’une telle question effleure, même un peu, l’esprit des gens que je rencontre.
Je veux être une femme sans aucune ambiguïté et il me faudra attendre d’être prête : ne plus avoir ces mollets noueux des mecs, ne plus avoir cette barbe épaisse que je devais dissimuler (mal) sous des couches de fond de teint. J’ai continuellement à l’esprit cette amie trop pressée qui arborait des tenues pimpantes, ce qui lui valait des compliments gentils et même appuyés des collègues de son atelier, collègues qui dès qu’elle tournait les talons la traitaient entre eux, sans retenue, de travelo, de raté, de déchet. Notre meilleur et unique atout est de se fondre dans l’anonymat et au début au moins d’être «incolore ». Les talons aiguille de dix centimètres pour se faire plaisir, le maquillage éclatant et les cheveux décolorés pour plaire, (mais est-ce vraiement par ces artifices que notre féminité transparaîtra?) patience, plus tard.

Patience enfin avec nous-mêmes. Il faut quinze ans au moins et souvent vingt pour qu’un nourrisson devienne un homme ou une femme et nous voudrions que pour nous cela se passe en une année ou un mois, pourquoi pas en un jour? Impossible : nous sommes imprégnés par notre passé, quelle que soit la manière que nous l’ayons vécu. Un célèbre naturaliste disait qu’il n’y a pas beaucoup de différence entre un homme et une femme : environ cinq pour cent; tout le reste n’est qu’éducation. C’est ces 95 % qu’il faut repenser ou acquérir sans faire de faux pas. prendre l’habitude de son corps — ne plus se cogner la poitrine dans les portes entrebâillées — et l’habitude de sa condition -serrer les jambes en sortant de voiture ou ne plus faire de bras d’honneur à celui-là qui nous casse les pieds...Trouver son maquillage et les vêtements qui iront avec notre nouvelle silhouette qui, elle, prend tout son temps pour se former.
Patience, la nature est lente.

Si notre symbole est un sablier, c’est qu’il ressemble à notre vie. Un jour on le retourne car on a décidé d’enclencher le lent processus de réhabilitation de notre vrai genre. Et les grains de sable se mettent lentement à tomber pendant notre re-naissance.

Patience, patience patience un jour la réserve sera épuisée; ce jour là nous serons enfin véritablement nous-mêmes

 

Catherine, Clepsydre, Avril 1997, page 8.